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Septembre 2024
Massif des Cantabriques.
Juin 2024
Sur les rives du Tage…
Mai 2024
Au delà de Valladolid là où la plaine s’élargie pour ne faire qu’un avec le ciel…
Grande outarde barbue (Otis tarda)
Janvier 2024
“Instinct de mort”
ou avis de tempête à venir pour notre patrimoine sauvage…
Décembre 2023
Novembre 2023
Octobre 2023
Septembre 2023
Aout 2023
Juillet 2023
Juin 2023
Dans la vallée…
Mai 2023
Ni dieux ni Maître
un jour de janvier
L’attente fût longue avant que le soleil ne s’éteigne par-delà les Monts du Cantal, emportant avec lui, lentement, les dernières lueurs pourpres d’une froide journée d’hiver. Autour de moi, entre neige et ciel, les carex nimbés de givre peinent à trouver leur place dans ce paysage de glace. Au loin, bien au-delà de mon imaginaire, un infime croissant de lune se hisse timidement comme pour essayer de prendre le pouvoir. L’absence sidérale de mouvement m’oppresse bien plus que l’étreinte blanche…
Au fil des heures passées dans cette parenthèse glaciale, j’ai eu le temps de fouiller ma vie intérieure, d’interroger mes errances et de cracher sur celles de l’espèce humaine qui tente, toujours, sans véritablement y croire, de se séparer de ses peaux mortes.
Introspection momentanée sur un monde peuplé de funambules qui peine à régurgiter ses vieux démons tout en gardant le secret espoir de s’en découvrir de nouveaux. Qu’il en soit ainsi, un maître en remplace un autre.
Cette fois ci, faute de mieux, l’élu sera plus jeune, plus présentable, porteur à coup sûr d’une toute nouvelle démocratie qui s’avèrera rapidement toute aussi autocrate mais plus «rassurante». Tout du moins le temps de passer le rideau de l’isoloir. Pathétique destinée humaine que de faire des choix hasardeux en matière de dirigeants.
Pour moi, dans mon trou de neige, juste le temps de me retourner et mon compteur affiche déjà 56 hivers. Combien de fois au fait me serais-je fait enrhumer par la parole politique ?
A chaque jour suffit ma peine, et l’amère de ma bouche me fait dire que sous nos latitudes le bulletin de vote est bien surcoté lorsque la toute puissance politique broie les utopies. Que tout cela me paraît dangereux. Le monde s’enrage au rythme des drapeaux qui renaissent, le climat se révolte bien plus vite que l’humanité, la nature s’écroule tous les jours un peu plus et l’abîme s’offre au futur des générations comme une ultime tragédie.
En écho à l’urgence me trotte dans la tête les diatribes creuses de quelques pantins de l’apocalypse. Je n’ai jamais eu foi en dieu et si peu en l’espèce humaine. Les causes à embrasser sont telles que ces plaidoyers me submergent tous les jours un peu plus. Seul, ce soir, il ne me reste qu’à espérer que les fées aux grands yeux jaunes viennent d’un vol léger et envoutant soulager mes angoisses…
Avril 2023
Mars 2023
Voir venir le printemps…
Février 2023
Janvier 2023
Rodeur de nuit…
Migration…
Décembre 2022
Des brumes et des ombres
La brume vient. Elle inonde lentement mais irrémédiablement la vallée. Entre flux et reflux elle se pose, s’oppose, se dépose, s’interpose. Se joue des courbes et des cimes aux grés des courants d’air. Affronte et submerge des pans entiers de forêts aux allures de ténèbres. Laisse apparaitre, à de cours instants, pour mieux les engloutir des ombres et des chimères bercées de lumières audacieuses traversant les chaos.
Onde ouatée, envoutante, la brume monte, hésite et bientôt m’enlace. Je perds pied sans mes repères aussi vite oubliés. Autour de moi les arbres s’effacent, s’entrelacent et jacassent « Par ici ! » « Par-là ! » « Sauras-tu retrouver ton chemin toi le piètre animal désorienté ? ». Tout se brouille, s’embrouille, ma vue, mes sens émasculés. Je la sens venir, m’envahir, froide, obstinée m’emportant avec elle vers l’inconnu d’une nouvelle année …
La douceur de l’hiver…
En quelques minutes, la montagne s’est étourdie de blanc. L’hiver est là.
Le regard change, les repères aussi. La pente est plus dure. Le souffle plus court. La transpiration plus froide sous les vêtements et le dos qui se courbe un peu plus, pas après pas, sous le poids et la douleur. Pour rien au monde j’aimerai être ailleurs !
Il y a souvent comme une forme de défi à ne pas vouloir céder dans la pente qui se dresse pour rejoindre son « inaccessible ». Cette notion d’impossible me fait rêver, donne du relief à l’aventure, engage vers une promesse. Celle de trouver pour un jour, pour une heure, pour un instant, un lieu intime où je serais égoïstement seul à contempler la vie sauvage, douce, harmonieuse, résiliente, incertaine comme son avenir…
Novembre 2022
Octobre 2022
La belle du jour…
Fatiguer la chance…
Cela fait maintenant 3 années que je vais plus ou moins régulièrement m’imprégner d’un lieu où vit un couple de cincle plongeur. Il faut consacrer un peu de temps pour connaître une espèce et pour pouvoir la photographier dans de bonnes conditions ! Toutes ces heures passées et ces observations accumulées sont une immense richesse et une mine de connaissances pour tous les naturalistes passionnés par l’autre monde : celui du sauvage.
Comme souvent, avant de réaliser une photo, il y a un peu de préparation en amont, des tâtonnements, des échecs et il y a heureusement des réussites. Des moments où tout se passe comme vous l’aviez imaginé, où tout est réuni : la lumière, le lieu, l’attitude de l’animal. Il n’y a pas de règle particulière à ces moments de « cadeau » offert par le monde sauvage. Il faut simplement avoir à l’esprit que parfois il est indispensable d’être prêt à « fatiguer la chance »…
Septembre 2022
La porte du Royaume…
La souffrance des rivières…
Assis au bord de la rivière, je la regarde mourir. Elle ne dit rien, plus rien. Je ne la vois plus comme par le passé frissonner à l’idée de faire voyager les feuilles mortes vers d’autres lieux plus vastes, plus lointains, plus enivrants.
Jadis force tranquille, elle n’est plus à présent qu’une alternance de déserts caillouteux suintants vers des oasis de survie, où un couple de martins pêcheurs s’accommode encore un peu du désastre auguré. Mais pour combien de temps ?
Dans l’immédiateté, je savoure chaque instant comme si ce devait être leur dernier acte. Eux, tels des comètes porteuses d’espoir, papillonnent en tous sens tandis qu’elle, en totale dichotomie, demeure immobile, triste, moribonde.
Mes yeux surmenés par le ballet de la torpille bleue métallique apprécient lorsqu’il se pose. Brefs instants auxquels succède, immédiatement, une volte-face cinglante, telle une flèche décochée pour rejoindre un ailleurs peut être plus radieux.
L’attente de son retour fait partie du jeu et, par de là les heures passées sur les berges sèches, j’essaie de décoder ses routines, de trouver les lieux où il se pose, les endroits où il vient transpercer le miroir pour un peu de pitance et ceux, où il ressort triomphant une baleine dans le bec. Dérisoires bribes de vie, de sa vie à laquelle je me raccroche pour essayer de l’approcher afin de lui rendre en image un ultime hommage !
L’infinie beauté qu’il dégage dans l’œilleton de mon appareil photo ne me fait cependant pas oublier que, sous mes yeux, sous nos yeux, se joue une des tragédies de ce monde en perdition, celle de la lente agonie des rus et rivières et avec eux celle du peuple de l’eau.
Pendant ce temps, l’humanité s’affaire. Elle est surmenée, connectée, surinformée, épuisée, résignée. Dans son immense majorité, elle n’a pas beaucoup de temps pour se soucier du devenir des rivières. Pourtant, il est à souhaiter qu’un jour prochain elle trouve enfin la force d’entendre la souffrance des cours d’eau… ?
La montagne aux ours…
Après une semaine passée dans la montagne aux ours, comme il est compliqué de revenir en France…
Bon nombre d’images se bousculent dans nos têtes, toutes plus belles les unes que les autres et toutes riches en enseignements sur cet animal magnifique.
L’ours était là, dans nos jumelles, à la fois si loin mais tellement proche, se dressant parfois sur ses deux pattes arrière comme un rempart face à notre civilisation de l’extinction…
Aout 2022
A la poursuite de l’oiseau aux sourcils blancs…
Juillet 2022
Juin 2022
Crois-tu que le printemps reviendra un jour ?
A genoux sur le sol, tout n’était que désolation autour de moi. A perte de vue des terres noires, vides de sens, laissaient échapper des fines nappes de brumes qui filaient au ras du sol, comme des mirages. Au loin, dans la lueur éblouissante des premiers rayons de lumière, scintillait un immense grillage, comme un vaste miroir aux alouettes mortes de toujours se faire berner ! Derrière, des véhicules pris au piège se dérobaient à vive allure comme pour fuir le chaos des lieux.
Rien n’avait changé ici depuis tout ce temps passé. Rien n’avait changé depuis 40 ans. Les voitures continuaient de défiler dans ce grand couloir noir et, comme il y a bien longtemps, je sentais à nouveau monter en moi un immense chagrin. Un de ceux qui vous brûle et qui laisse quelque chose en vous qui ne cicatrise jamais.
Au loin, dans le vrombissement des véhicules, venait en écho, tout d’abord lointaine et inaudible puis de plus en plus près, une voix d’enfant. Comme pour atténuer ma tristesse elle se planta juste derrière moi. Elle ne m’était pas inconnue mais cela faisait longtemps que je ne l’avais plus entendue. J’attendais immobile qu’elle se rapproche…
- Tu te souviens comme tout était si différent ici avant ? me demanda-t-elle
- Avant ? lui répondis-je d’un ton ombrageux.
- Oui avant, avant ce grand vide qui nous entoure… me glissa-t-elle dans l’oreille avec douceur
- Oui je me souviens ! Comment pourrais-je avoir oublié malgré toutes ces années qui se sont empilées ?
- Crois-tu, me demanda-t-elle, que toutes ces personnes qui passent comme des fantômes et ne s’arrêtent jamais savent à quel point ici tout a changé ?
- Comment pourraient-ils s’en douter ! lui répondis-je. Même ceux qui habitent à présent ici et qui n’ont pas connu le grand désastre ne peuvent l’imaginer.
- Pourrais-tu alors leur raconter tes souvenirs s’il te plait !
- Crois-tu que cela serve réellement à quelque chose ? Ils ne m’entendraient pas même si je devais leur hurler à en perdre la raison
La petite voix insista à nouveau…
- S’il te plait !
- Je me demande s’ils me croiraient si je leur disais qu’ici même, il y a longtemps, je pouvais m’allonger dans l’herbe des prés et écouter le soir venu les perdrix chanter ?
Penses-tu qu’ils puissent imaginer qu’au printemps le petit bois qui n’est plus sentait bon le champignon de souche ?
Que le ruisseau qui est devenu canal et que tu vois courir sans but à tes pieds était gavé d’embâcles où les truites venaient frayer par dizaines l’automne venu ?
Me prendraient-ils pour un fou si je leur disais que dans ce champs sans fin, où poussent années après années des maïs arrosés en flots continu, il y avait à la place une immense zone humide où s’envolaient aux dernières lueurs de lumière la bécasse des bois et le hibou des marais ?
Pourraient-ils enfin imaginer que les chemins désertiques et bordés de ravins blanchis par le glyphosate qu’ils empruntent pour se balader étaient ombragés et bordés de fossés où vivait l’épinoche sous les dernières lianes d’alkékenge ?
A présent, il ne reste plus rien de toute cette harmonie que j’ai vu disparaître. En un claquement de doigt, alors que régnait l’insouciance, les bulldozers et les pelleteuses se sont emparés des lieux et plus rien n’a été comme avant.
Ce fût la fin d’un monde, de cette nature intime dont tout le monde se foutait à l’époque et dont plus personne ou presque ne se souvient aujourd’hui…
Pour eux, aucun regret de l’infini délicatesse qui régnait en ces lieux. Après tout, n’ont-ils pas de la chance ?
Il n’y eu aucune réponse. Je pris le temps de me relever puis, de me retourner. Il n’y avait personne. J’étais seul. La petite voix s’était évaporée et je restais là immobile avec mes souvenirs…
A chaque fois que mes attaches me ramènent encore ici, mon regard se porte au loin comme pour chercher d’autres images. Parfois, j’y aperçois en parcourant ce grand désert, quelques coquelicots. La nature est résiliente !
Malgré tout, au plus profond de moi, je sais qu’il y a peu de chance que je vois un jour revenir en ces lieux la beauté perdue du printemps. Celui d’avant que les voitures ne défilent dans ce grand couloir noir que l’on nomme autoroute…
Mai 2022
Un autre jour en France…
Avril 2022
Florilège 1
Mars 2022
A la croisée des saisons…
Février 2022
Camargue
Alors que le soleil s’effondre dans une dégringolade de nuances rougeoyantes, j’observe depuis un bon moment deux flamants roses. Leurs pas lents et gracieux dans l’eau qui leur arrive à mis pattes m’envoutent. Combien de fois auront-ils mis la tête sous l’eau durant notre rencontre ? Probablement des centaines de fois ! Me vient alors une question devant cet immuable cache-cache : « A se prendre continuellement pour des autruches, les flamants roses de Camargue rêvent-ils la nuit venue de rivages lointains d’Afrique… ?
La pénombre vient avec un vent frais de nord, petit à petit, je les perds de vue, ne distinguant plus que leurs formes presque informes et les clapotis de l’eau chahutée par le Mistrau. Quelques groupes d’oiseaux bruyants me survolent en direction du sud. A bien y réfléchir, l’Afrique n’est pas si lointaine …
Vers la nuit…
Janvier 2022
Pictural distorsion
Décembre 2021
Mystic Forest
Mon cœur ne battra jamais assez fort pour tous ces lieux magiques, ces paradis perdus où je n’irai probablement jamais …
Novembre 2021
Nature morte …
Mardi 23 novembre 2021, 10h00 du matin, il fait froid, la grisaille m’étreint.
Depuis deux jours, je gamberge sur les tristes événements qui se sont passés dans les Pyrénées. Comme à chaque fois dans de telles circonstances, la nouvelle me percute alors que j’essaie de m’extirper du fin fond de la nuit. La radio en arrière-plan défile ses titres du jour. Comme souvent, je n’y prête même plus vraiment attention tant la noirceur de ce monde vous pousse à rester dans votre lit et puis, en fin d’édition, la voix annonce d’un ton solennel : « une ourse suitée a été tuée par un chasseur dans les Pyrénées après qu’elle l’ait mordu à une jambe !»
Immédiatement, c’est ainsi, mon cœur s’affole tel un diable qui voudrait sortir de sa boite. L’incompréhension, puis la tristesse me submergent pour enfin laisser place à la rage : « Encore une fois l’histoire se répète. Encore une fois, une ourse est tuée lors d’une battue de chasseurs et encore une fois elle était avec deux petits. Cela n’en finira donc jamais ? ». Tout se bouscule dans ma tête, je l’imagine affolée, acculée, essayant de se sauver pour protéger ses petits d’une déferlante de chiens et de trompettes. J’imagine le bruit, la terreur ressentie, puis le souffle de l’arme comme unique et pathétique solution. Je la vois éjectée dans la pente, le corps sans vie finir sa course, brutalement contre le tronc d’un hêtre qui avait l’habitude de la voir passer paisiblement accompagnée de ses petits. Enfin, je perçois le silence ! Un silence assourdissant après l’infâme et deux âmes seules, errantes, apeurées cherchant en vain leur mère alors que l’hiver s’installe en montagne…
Comment ne pas l’avouer, l’ours et moi nous avons une longue histoire commune, et dans de pareils cas l’affecte prend comme toujours le pas sur la raison. Cela fait tellement longtemps que je vis au rythme des ours des Pyrénées et du triste sort que lui réserve l’homme, que mon parti est pris depuis bien des années. Je concède également, au risque de choquer, qu’à aucun moment je n’ai eu de pensée bienveillante pour ce chasseur blessé à la jambe car cela fait bien longtemps que je n’ai plus beaucoup d’empathie pour mes semblables qui pratiquent ce loisir mortifère et qui souillent la beauté de notre patrimoine sauvage.
Pourtant, depuis près de trente ans que je m’intéresse à l’ours, je devrais être habitué tant l’histoire de cet animal dans notre pays est jonchée de persécution, d’intolérance et de manœuvres politiciennes locales ou nationale !
Quant à l’ours, lui, animal sauvage, il essaye tant bien que mal de survivre entre un appareil d’état défaillant ou absent prêt à tous les renoncements pour quelques voix et une France moisie qui empeste la poudre de carabine Browning ou Beretta, sent l’huile de vidange des 4×4 japonais et qui, après une fin de journée bien chargée, éructe dans une ferveur communicative « Ici, on est chez nous et c’est pas Paris qui commande… »
Toute cette malhonnêteté intellectuelle et cette abdication étatique m’affectent un peu plus chaque jour…
Tout est triste ce mardi matin, j’essaie de faire comme si de rien n’était mais il faut que je parte malgré le froid, malgré le vent, malgré tout. Cela devient une nécessité que je rejoigne un coin tranquille où je ne verrai personne, j’en ai besoin !
J’y suis maintenant, il est dix heures, je surplombe un vallon sauvage, le vent violent et froid pousse le brouillard, chahute les nuages d’altitude. Vu les conditions climatiques il y a peu de chance que je croise quelqu’un ici aujourd’hui et si la chance me sourit j’aurais peut-être la visite d’un chamois. Abrité contre une paroi rocheuse, le temps défile au rythme des nappes de brouillard qui filent comme des comètes. Je m’extasie devant la rudesse de la météo toute aussi tourmentée que moi.
Le soleil sort enfin de la grisaille, des petits blocs de glace suspendus aux branches des sapins sous la force du vent viennent s’échouer à mes pieds. Je me sens vivant !
Mes pensées sont là-bas, elles vagabondent avec les ours. Un jour, je le sais, mes cendres iront nourrir la terre sauvage des derniers ours des Pyrénées…
Novembre pleur
Tant que les hommes n’entreront pas dans une forêt comme ils pénètrent dans un édifice religieux, il n’y aura aucun salut pour notre Patrimoine Sauvage…
Octobre 2021
Dernier regard…
Un matin d’enfer
A la sueur de mes rides, à contre-courant des sources, au-delà des crêtes embrumées parsemées d’ocre, ce matin, Belzebuth m’avait convié à venir le rejoindre dans un lieu hors du temps, hors des hommes.
Recroquevillé sous un bouleau torturé par la peur du vide, j’ai longtemps douté de sa venue. Il m’est enfin apparu quand le vent s’est tu.
Au premier regard, il s’est emparé de mon âme et de toute la sauvagerie de ce monde…
Aout 2021
Vivre et mourir…
Surveiller l’horizon…
Laisser filer le mauvais temps à l’est…
Prendre rendez-vous avec la mort…
Douter qu’elle ne tienne promesse…
Voir venir ses ambassadeurs fauves…
Juin 2021
A grandes enjambées le cul à passer par dessus l’avant je le voyais venir vers moi. Un instant de doute, un frémissement de moustache et le voilà qui hésite…
Le temps s’efface, personne ne bouge… Une volte face et bientôt il sera loin !
Mai 2021
Avril 2021
Ensemble…
Mars 2021
Affronter les dixièmes rugissants…
Les Sentinelles…
Février 2021
Tant que couleront les rivières…
Samedi 13 février, 6h58, température – 7°C. La météo annonce une belle journée…
Il fait encore nuit lorsque je remonte lentement le cours de la rivière. Dans le ciel, un infime croissant de lune joue à cache-cache avec quelques nuages poussés par un vent septentrional qui accentue un peu plus la morsure du froid. Ce matin, je n’ai pas hésité longtemps pour enfiler les « triplures » ! L’attente risque d’être longue…
Cela fait maintenant quelques semaines que je viens ici. Il me semble qu’à force je connais chaque bloc de pierre qui trône fièrement dans les tumultes de l’eau glacée. Le bruit de la rivière y est entêtant et envahit tout mon champ d’écoute, mais j’aime ces moments où les éléments m’accaparent totalement.
D’un pas lent je me fraie un passage dans la ripisylve. Non loin de moi je devine celui que je cherche à rejoindre. L’arbre penché qui se partage en deux. C’est vers lui que je vais installer mon affût pour la matinée.
J’ai toujours été attiré par les arbres qui racontent une histoire. Les tordus ont toujours eu ma préférence. De leur allure se dégage quelque chose. De la souffrance, de la force, de la bienveillance et surtout une folle envie de vivre malgré les stigmates du temps.
Dans « notre rituel », à chaque fois que je viens, je pose ma main sur son écorce. En premier je lui demande s’il va bien puis, je m’enquière de savoir si la loutre est venue se lover entre ses racines pendant la nuit ? Malgré une certaine complicité qui me semble s’être nouée au fil du temps entre nous deux il ne me répond jamais, mais je sais qu’elle a fait comme moi, qu’elle est venue cette nuit lui rendre visite car je le sens…
Le dos calé contre son tronc, il ne me reste plus beaucoup de temps pour installer tout mon matériel avant que la nuit ne disparaisse totalement. A quelques centimètres de moi l’eau s’agite dans les premiers scintillements de lumière. S’il faisait moins froid je pourrai y tremper les pieds…
J’ai une profonde admiration pour ces rivières qui dévalent les pentes sans filer droit aux ordres de l’espèce humaine. J’aime celles qui alternent entre fracas et nonchalance, qui paraissent indomptables puis qui s’arrondissent en méandres. Leur beauté n’a d’égale que l’infinie tristesse qui se dégage de celles qui tracent des flèches dans les plaines cultivées où l’homme a vidé la nature d’une grande partie de ce qui fait la vie.
Ici, on vit et bien qu’engourdie par le froid la nature se réveille. Comme par habitude dans de pareilles circonstances je promène mes jumelles de rives en rives de cailloux en blocs de pierre. J’attends celui qui marche au fond de l’eau ! Il est vif et son mimétisme fait de brun et de blanc le dissimule à merveille entre les pierres noires et les remous clairs des courants. A cette période, on l’entend chanter bien avant de ne le voir débouler comme une torpille. Le cincle plongeur est en ce moment même amoureux et il mène la sarabande au plus froid de l’hiver. Pouvoir observer cette danse d’une infinie beauté durant laquelle le couple se fait face sur un radeau de pierre, dans une frénésie explosive est un privilège que seules les rivières encore vivantes sont capables de nous offrir. Sachons les préserver, elles sont la vie ! Je tends l’oreille… Il me semble les entendre… Ce sont eux ! Ils arrivent….
Janvier 2021
Mordu par le blanc glacial
Décembre 2020
Errance 3:3
Agrippé à un alisier blanc chétif, je prends à présent conscience qu’il s’en est fallu de peu pour que le poids de mon sac me fasse chavirer dans la pente. Pourtant, cela faisait quelques minutes que je savais que mes jambes n’avaleraient pas la distance qui me sépare du sommet. Parfois on s’obstine à suivre ce foutu optimisme, mais le poids des années vous ramène souvent à la réalité. Il faut s’y résoudre, ce sera compliqué d’aller beaucoup plus loin aujourd’hui.
A présent, mon unique but de cette fin de matinée est d’essayer de rejoindre ce petit replat qui se trouve un peu plus haut en limite de lisière forestière. Mon sac m’écrase à chaque pas mais je ne suis plus très loin. L’air froid que j’inspire de manière désordonnée me brûle la poitrine, mes tempes sont prêtes à exploser sous la pression sanguine mais il ne reste que quelques mètres et ce sera fini.
A peine arrivé, j’esquisse instinctivement un bref coup d’œil circulaire, la neige de la nuit a recouvert l’ensemble du paysage à cette altitude. Tout autour de moi, la montagne décline son immensité, et je mesure pleinement toute la dureté de ce milieu. L’idée de rester là s’impose. Après tout, pourquoi vouloir aller plus haut, le panorama est beau et je suis seul ! En tout cas je suis loin de mes concitoyens et de ce monde pesant qui m’oppresse de plus en plus.
Au loin, deux chamois dans leurs parures brunes d’hiver entament une course effrénée. Non pas qu’ils m’aient vu ou senti mais décembre voit parfois leurs joutes amoureuses traîner en longueur. La neige gicle de partout dans l’effervescence du moment. Ils gravissent la pente, se jouent des obstacles à toute allure, et franchissent après quelques allers et retours la crête. J’entends, au loin, un couple de faucons pèlerins discourir très probablement sur ma présence, avant qu’ils ne se taisent pour laisser la place au silence…
Dissimulé sous mon filet de camouflage, je scrute méticuleusement, minute après minute, chaque pierre, chaque arbuste qui se trouvent à portée de jumelles. Le temps passe, rien ne bouge…Tous mes sens sont en alerte. Une impression de plénitude m’envahit et j’ai la sensation d’être seul au monde dans ce lieu magique où tout semble figé.
Soudain, sur le versant qui me fait face, sorti de nul part, un renard est assis sous un éboulis rocheux. Il observe… Quelques flocons virevoltent avant de se poser délicatement sur son pelage.
Sous lui, la pente abrupte s’enfonce dans un grand couloir blanc immaculé. Il semble hésiter puis entame la traversée. Il boite ! Sa patte postérieure droite a visiblement du mal à le soutenir. Il s’arrête puis repart à de nombreuses reprises. Sa traversée ressemble à l’éternité.
Alors qu’il disparaît lentement sous le couvert forestier, mes tripes se serrent à l’idée qu’en France, chaque année, 600 000 de ses semblables sont tirés, piégés, massacrés sans aucune raison par un monde cynégétique archaïque incapable d’évoluer.
A l’heure où le vivant ne cesse de disparaître, la question qui me brûle chaque jour davantage est de savoir combien de temps notre société « dite évoluée » va encore supporter que son patrimoine sauvage soit ainsi détruit et pillé un peu plus chaque jour ?
Perdu dans les songes d’une question sans réponse, je sens un flocon fondre sur mon visage. Je regarde autour de moi. Tout est toujours aussi beau ! Le vent se lève en bourrasques, avec lui celui de la mélancolie me transperce. Ma présence ici m’apparaît alors comme un outrage fait à la nature et à son intégrité. Il est temps pour moi de me retirer, d’effacer toutes traces de mon passage avant de retourner dans le monde des hommes …. Je reviendrai peut-être un jour.
Errance 2:3
Errance 1:3
Novembre 2020
Octobre 2020
La porte du Royaume
Il est tard, très tard, et je n’arrive toujours pas à trouver le sommeil.
Surplombant les pentes d’une ancienne vallée glacière, la lune illumine de toute sa puissance un immense cirque. Les forêts, aux teintes flamboyantes d’automne, que je contemplais il y a peu, ont finalement laissé place à des formes sombres et angoissantes. Tout autour de moi tonne, çà et là quelques cris roques, mêlés à la brise froide.
À présent j’observe de loin une petite cabane située à l’entrée de la vallée. Sur sa porte, à demi éclairée, apparaît par moment, entre ombre et lumière, le dessin d’une tête de cerf usé par le temps. A force de la fixer, il me semble que l’esquisse prend vie à chaque fois qu’elle apparait dans la clarté… Soudain, des claquements sourds comme des coups de fouets me font sursauter. Ce sont les impacts violents des combattants majestueux qui émanent de la pénombre.
A présent, la forêt s’agite sous les rafales de vent. Des ralles gutturaux succèdent aux silences à chaque coin du cirque. Avec violence j’entends les bois des chevaliers qui s’entrechoquent, le bruit de leurs sabots tout proches dévale la pente. Tête contre tête, ils s’accrochent désespérément au sol desséché pour ne pas reculer. Je les perçois par moment luttant jusqu’au bout de leurs forces avant que, dans un dernier fracas le plus faible fasse volteface pour fuir…
Le vent s’est enfin calmé et le silence ne m’a jamais semblé aussi pesant. Je les sais là, tout proche, mais plus rien ne bouge, comme si tout ce que je venais de vivre était le fruit de mon imagination ou de mes angoisses. Pendant tout ce temps, pour me rassurer, je n’ai presque pas quitté des yeux la porte où l’allégorie sauvage est maintenant doucement chahutée par l’ombre du feuillage d’un vieil arbre. Comme hypnotisé je m’en approche. Que peut-il y avoir derrière, vers quel monde m’entrainera-t-elle si j’arrive à l’ouvrir ? Je suis tout proche, je pose délicatement ma main sur la poignée froide et je pousse avec vigueur…
Quelque chose se pose alors sur mon épaule « Et oh, debout c’est l’heure ». L’ami avec qui je dois partir au brame ce matin me réveille :
« Tu fais quoi ? On va être à la bourre ! »
« Hein ? Quoi ? J’arrive » lui dis-je à demi réveillé.
Il me faudra pourtant encore quelques minutes pour me sortir de mon aventure nocturne et de cette idée qui me trotte à présent dans la tête. Que serait-il arrivé si j’avais pu ouvrir cette porte ? Aurais-je été aspiré par le monde sauvage … ? Serais-je devenu cerf parmi les cerfs…?
Septembre 2020
Septembre en attendant
Juste le temps de battre des cils
Un souffle, un éclat bleu,
Un instant, qui dit mieux
L’équilibre est fragile…
Bertrand Cantat- Noir Désir
Août 2020
Une vie à marcher sous la lune
Calé contre un hêtre, probablement centenaire, je fixe obstinément, depuis plus d’une heure, une gueule noire béante qui s’enfonce dans le sol. Rien ne bouge… Il faut s’y résoudre, rien ne bouge, sauf cette maudite nuée de moustiques qui s’est invitée tout autour de moi depuis mon arrivée ! Les minutes s’écoulent et le doute s’installe, lentement, au rythme des vrombissements et des ombres des arbres qui s’allongent sous le couvert forestier. La lumière se retire doucement pour laisser peu à peu place, comme souvent, au désarroi. Pourtant, aux lueurs des derniers rayons lumineux, arraché aux entrailles de la terre, le voilà qui s’extirpe des ténèbres. Museau pointé vers le ciel, je le vois. Il hume l’air, hésite, recule, puis se hisse lentement sur le rebord de la gueule noire.
Rejoint bientôt par deux boules plus petites, dont les formes arrondies s’entremêlent les unes aux autres. Rituel immuable et familial, l’adulte, épouille méticuleusement l’un après l’autre ses petits pendant plusieurs minutes avant de s’évanouir comme un fantôme. Eux, ne bougent pas car ils savent que ce n’est pas encore le moment de le suivre. Ils restent là, à jouer sans trop s’éloigner de ce trou noir qu’ils connaissent par cœur et qui les rassure. Commence alors pour eux une nouvelle nuit à marcher et courrir sous la lune dans l’insouciance du jour d’après…
La nuit est là, il va falloir se résoudre à les laisser mais, je sais que demain ce putain d’homme pourra, s’il le décide, venir ici avec toutes ses certitudes archaïques détruire dans une extrême violence toute cette harmonie. Je vais rester encore un peu ; je me recroqueville contre « mon arbre », la fraîcheur se fait sentir. Ce soir, j’ai envie d’hurler…
Juillet 2020
Maître Yogi…
Juin 2020
Je n’ai pas oublié
« Il y a longtemps que je ne suis pas venu ici, mais tu vois je n’ai pas oublié le chemin pour y revenir. Viens, suis-moi, mais il faudra être discret.»
Avec du recul, moi non plus je n’ai pas oublié ces quelques mots qu’un ami me glissa à l’oreille avant de partir retrouver des falaises basaltiques. Je me souviens encore qu’il y avait une forme d’inquiétude dans son intonation. Celle de ceux qui ont vécu comme un traumatisme, la destruction presque totale des prédateurs, dans les années 60 et 70 en France.
« Tu vois, me dit-il à voix basse, ici, il y a bien longtemps, je venais les voir le plus discrètement possible pour ne pas attirer l’attention sur leur présence. J’ai vu des choses formidables à cette époque. Des choses que je ne pensais plus jamais pouvoir observer et puis, ils ont disparu comme s’ils n’avaient jamais existé… Plus tard j’ai su que le mâle avait été piégé, par ignorance, par bêtise, par méchanceté, mais c’est loin tout ça, c’était une autre époque… ». Cette dernière phrase, teintée d’émotion, s’évapora avec la naissance des premières étoiles, tout comme s’envola l’espérance de les revoir ce soir-là…
Bien des années se sont écoulées et je suis à nouveau au même endroit. Mon ami n’est pas avec moi cette fois-ci. Seul, je contemple les mêmes falaises qui s’assombrissent après un orage de juin.
Es-tu sûr mon ami que les choses ont réellement changé depuis notre dernière visite en ces lieux ? Tu ne l’as pas vu mais j’ai dû encore me cacher pour venir ici.
Es-tu sûr que nous avons vraiment changé d’époque ? Tu ne t’en doutes pas mais tout comme toi à l’époque, je tremble à l’idée qu’ils ne soient pas là.
Pourtant, mon vieil ami, tu ne le verras pas, mais ils sont revenus. Ils sont bien là, frôlant de leurs ailes inexpérimentées le minéral sous l’œil attentif de leur mère. Ce soir, je le sais maintenant, je vais enfin voir des choses formidables. Des choses que je n’imaginais jamais pouvoir observer et c’est grâce à toi mon ami, et à la confiance que tu m’as donnée en m’amenant ici que je quitterai ces lieux un peu plus apaisé …
Mai 2020
Chamois, frère de sueur, toi qui contemple, immobile, ton territoire.
Entends-tu le pic noir qui tambourine dans la hêtraie en contrebas ?
Captes-tu les chuintements des jeunes grands-ducs qui ont faim dans la falaise que tu surplombes ?
Ressens-tu l’effervescence qui gronde et qui monte du fond de la vallée ?
As-tu conscience que demain, à nouveau, il faudra fuir ?
Avril 2020
L’homme oublié
On nous dit que plus rien ne sera comme avant !
Comment ne pas le souhaiter pour le monde sauvage.
On nous dit que la nature reprend ses droits.
N’est-ce pas normal quand les fusils, les voitures et l’homme ne sont plus les rois.
Un monde à l’envers vient de se créer.
Celui où l’humanité est retranchée, la vie sauvage en liberté.
Combien de temps ce paradoxe va-t-il durer ?
Nul ne le sait.
Un instant, une éternité ?
Aurons-nous assez de temps pour que naisse enfin l’idée de la respecter ?
En attendant, résiliente, la nature panse ses plaies pendant que l’homme pense déjà à l’après….
Mars 2020
Le printemps des migrants
Par-delà les montagnes et les murs surmontés de barbelés, ils franchissent les frontières.
Ni patrie, ni drapeau, c’est ainsi que vont les oiseaux.
Poussés par la faim, ils tracent leur chemin.
Poussés par la vie, ils reviendront ici.
Pourtant, face aux miradors, il faudra être fort.
Crois-moi mon ami, la liberté à un prix ….
Février 2020
Vertige de l’amour
Au loin, des falaises érigées en forteresses imprenables apparaissent aux premières lueurs du jour. Face à ces « remparts », tout ici paraît gigantesque, inaccessible, figé !
Pourtant, à bien y regarder, des «grands voiliers» s’arrachent du minéral et se laissent tomber dans le vide pour mieux remonter vers les crêtes rougies par le soleil naissant.
Là-haut, dans un ballet tournoyant, ils frôlent l’infini, s’évitent et se hissent comme aspirés par le bleuté métallique du ciel.
Brisant cette spirale hypnotique, certains virent de bord par deux, afin de se laisser glisser en contre bas, poursuivis par leurs ombres complices sur l’ocre des parois hérissées. Quelques-uns disparaissent de ma vue, comme aspirés par la roche, tandis que d’autres se rapprochent pour rejoindre, dans un dernier orbe, une vire rocheuse blanchie par des années de fidélité.
Désormais, l’un contre l’autre, suspendus au-dessus du vide en ce lieu hors du temps, ce sera pour les « grands voiliers » à la vie, à la mort, à jamais ….
Janvier 2020
Saimaa
Le temps défile au fur et à mesure que l’écorce de mon hôte me pénètre le dos. Pourtant je me sens ici comme chez moi ! Ces dernières ramures me protègent alors qu’au « dehors » la neige s’abat langoureusement. Encore une journée à contempler le blanc au risque de perdre tous repères. Encore une journée mais pas n’importe laquelle, celle du solstice d’hiver ! Ici, sur les rives du lac Saimaa, la journée la plus courte de l’année prend tout son sens. Tout au plus cinq heures de luminosité d’un soleil que je n’ai pas vu depuis pluieurs jours. Tout au plus cinq heures pour espérer apercevoir un bout de vie sauvage. Iris plantés dans les jumelles, je cherche et je cherche encore mais en vain !
Ici, et peut être plus qu’ailleurs, l’attente conduit souvent à l’impatience pourtant celle-ci n’est pas conviée lorsque l’on se frotte au sauvage…
Décembre 2019
La promesse de l’invisible…
Assis depuis plusieurs minutes face au vide, je contemple deux plumes égarées et suspendues au bout d’une branche de buisson noir. A chaque souffle de vent elles font mine de se détacher mais rien n’y fait, elles s’accrochent. Probablement qu’elles devaient m’attendre ! Depuis combien de temps ?
Un bref coup d’œil me suffit pour connaitre leur identité, l’auteur qui les a fait virevolter jusqu’ici m’est familier. Nul besoin de le voir pour savoir qu’il est là, quelque part, dans ces falaises. Immobile, mimétique, statue de plumes parmi les rochers, il me scrute probablement et épie le moindre de mes gestes.
Ces plumes sont une promesse qui invite à essayer de dénicher l’invisible. Jumelles en main, la quête tourne à l’obstination, le temps s’effiloche et la nuit enlace irrémédiablement tout ce qui m’entoure.
Devenu presque aveugle et résigné, je bas en retraite au rythme de l’avifaune diurne qui regagne ses abris. Lui, le « roi des nocturnes » jubile certainement de toute cette panique palpable… L’invisible frappera-t-il à nouveau cette nuit ?
Douceur hivernale …
Octobre 2019
Petit matin brumeux à ne pas distinguer l’autre rive. Pourtant elle est là !
Entre ombre et lumière, remous et ondulations, je la devine plus que je ne la vois.
Une onde trahit sa présence, mon œil accroche brièvement sa silhouette allongée puis plus rien …
Soudain, sous un amas de bulles elle apparaît, luisante de lumière, vibrisses immenses et dégoulinantes. Un regard puis aussitôt disparaît !
Instant magique, où l’élément liquide se transforme en sirène.
Septembre 2019
Quelque part dans la Cordillère Cantabrique
La nuit enlace peu à peu la montagne qui se dresse face à moi. Bientôt les rochers ne seront plus que des souvenirs et les arbres qui dansaient sur les crêtes des chimères intrigantes accrochées aux lueurs de la lune.
Il y a peu, aux dernières lueurs du jour, me faisait face celui que je suis venu chercher ici dans ces montagnes acérées.
Souvent rêvé, peu de fois observé, comment pourrais-je oublier ta vision mainte fois espérée ?
Août 2019
Le silence des oiseaux
Assis au bord d’un lac aux reflets noirs bleutés, j’écoute le silence.
Je m’obstine mais rien n’y fait, pas le moindre bruit. Tout au plus je perçois les battements de mon cœur et quelques clapotis qui viennent s’échouer à mes pieds.
Ce n’est pas la première fois que je ressens cela, je l’ai déjà vécu. Comme chaque mois d’août, mes sens se saturent de l’espace qui se vide méticuleusement du chant des oiseaux, de la nature qui se tait peu à peu, de la lumière qui devient tous les jours un peu plus mélancolique.
En même temps que je retiens ma respiration pour m’emplir de ce silence, je me demande si d’autres personnes perçoivent (discernent) cette drôle de sensation ?
Celle où la saison bascule en douceur vers d’autres ouvrages…
Juillet 2019
Juillet le 14
Seul sur mon rocher, j’observe… Face à moi un vautour en fait de même. Lui attend certainement le bon moment pour se jeter dans le vide. Moi ?
Du fond de la vallée monte en échos les cuivres d’une fanfare. Avec des étendards sont portés fièrement par les nostalgies du passé. En voyant tout ce simulacre, je m’interroge sur la maturité de notre civilisation et la capacité de l’homme à passer à autre chose ? Mon ami rupestre quant à lui n’en a cure. Il prépare méticuleusement son plumage qu’une onde de chaleur, montant à l’assaut des cimes, chahute.
Bientôt les ascendants seront assez fort pour le porter loin de tout ce vacarme. Bientôt, le vide et il n’y aura plus que le vent et lui….
Quant à moi ?
Juin 2019
Harassé par la chaleur, je suffoquais sur les bords de la rivière Allier, quand tout à coup, ce que je croyais être un galet se mit à bouger…
Mai 2019
J’ai vu de la peur dans le regard de l’animal que j’ai croisé ce matin !
Sa fuite en dit long sur la relation que l’homme entretient avec la nature.
Comment avons nous pu en arriver là ?
L’Allier s’écoule à mes pieds. Sur la rive opposée, deux corneilles complices se disputent les restes d’un poisson. L’enjeu de la discorde est un bout d’arête dorsale.
Pour moi le festin est mince et la journée sera longue. Surtout si l’Afrique a retenu ceux que j’attends…
Avril 2019
Quitter son statut vertical pour se mettre à la hauteur du vivant…
Mars 2019
Peu importe où je suis. Perdu dans mes songes, j’attends … Entre réel et irréel, les arbres gémissent et me parlent. En fait, qui suis-je pour croire que la forêt m’entraînera dans ses tréfonds ?
Février 2019
Mon frère à quoi penses-tu quand tu regardes Homo-sapiens dans les yeux ?
Aurais-je de la chance ce soir ?
Sera-t-il fidèle au rendez-vous de janvier ?
Rien n’est moins sûr ! La luminosité s’estompe au fur et à mesure que les minutes s’égrainent et toujours aucun signe de sa présence… Le temps est comme suspendu, un souffle d’air me glace…
« Hou-Ho » Enfin, il est bien là, fidèle à l’appel de janvier ! Il n’y plus qu’à souhaiter qu’il vienne se poser près de mon lieu d’affût…